Pauline MARTIN
Article 5- Février 2022- Venue des reliques de la Famille MARTIN
Une perle fine
Pauline MARTIN, Sœur Agnès de Jésus,
(1861-1951), sœur de Sainte Thérèse de Lisieux
Le 7 septembre 1861 naît la 2e fille de la famille MARTIN, Pauline. Elle est baptisée le lendemain en l’église Saint-Pierre de Montsort.
Laissons-la-nous raconter les débuts de sa vie à travers ses souvenirs intimes :
« Au commencement d’octobre de cette année 1868, j’entrai à la Visitation du Mans (école réputée) avec Marie (ma sœur ainée). J’avais juste 7 ans et un mois. Si je n’avais pas eu Marie avec moi, je crois bien que je serais morte de chagrin, tant j’aimais mes parents. » C’est leur tante, Soeur Marie-Dosithée, qui vivait au Mans, qui s’occupa de leur éducation.
« Quand j’avais perdu “la rosette ” (petite décoration donnée le dimanche aux élèves sages), je pleurais à m’en rendre malade. La maîtresse me dit un jour : “Mais enfin Pauline, ce n’est pas raisonnable, vous pleurez comme si vous aviez perdu père et mère !”
Je me souviens particulièrement de mon premier retour à Alençon. C’était pour les vacances du jour de l’an. Une dame connue de nos parents nous ramenait à la maison. Dès que nous arrivâmes à notre rue du Pont-neuf, je ne me tenais plus d’émotion et de bonheur, mon cœur battait à se rompre, je voyais de loin les lumières de l’horlogerie, j’étais sans paroles ! Dans un instant j’allais retrouver mes parents, me jeter dans leurs bras, recevoir leurs caresses, après trois mois d’absence qui m’avaient paru des siècles !
Je fis une très bonne communion, il me semble, je pensais déjà à être religieuse. C’était le 2 juillet 1872, j’avais presque onze ans. La petite Thérèse devait naître 6 mois après. L’après-midi, mon amie Marie-Thérèse qui avait été choisie pour prononcer l’acte de consécration à la Sainte Vierge se trouva tout à coup très malade. La première maîtresse chercha laquelle de ses compagnes pourrait la remplacer. Elle vit sans doute dans mes yeux l’ardeur de mon désir, car elle me dit en me passant la copie : ” Eh bien, essayez !” Je lus l’acte de mon mieux et c’est moi qui le récitai à la chapelle.
Quand Marie sortit de pension, je restai seule à la Visitation et jamais les lettres de Maman ne me furent si chères et plus précieuses. La première maitresse du pensionnat me dit un jour, en me tendant une de ces lettres qu’elle venait de recevoir : « Tenez Pauline, voilà une lettre de votre maman. Je ne connais pas d’élèves au pensionnat qui en reçoivent de pareilles » Cette pauvre maman qui savait me faire tant de plaisir, me donnait toutes sortes de détails sur mes petites sœurs, Céline et Thérèse. Elle écrivait très serré, sans laisser de papier en blanc car je n’aurais pas été contente.
A notre pèlerinage de Lourdes en juin 1877, maman comptait sur mes prières surtout, pour obtenir sa guérison. C’est incroyable comme elle avait confiance en moi et comme elle m’aimait ! Mais je ne fus guère fervente pendant le voyage, et je vis bien qu’elle était déçue…Léonie (ma petite sœur) nous agaçait, Marie et moi, et puis il fallait chanter des cantiques que nous ne connaissions pas …et nous n’avions pas le cœur à chanter.
A la porte de la piscine, nous attendions anxieuses le miracle. Maman, es-tu guérie ? lui disions- nous dès qu’elle sortit. Hélas, elle ne fut guérie que deux mois après, lorsque la Sainte Vierge l’emmena au Ciel […] Comme cette pauvre maman me voyait très triste au retour, elle essaya de me consoler par ces paroles : « Ne t’attends pas à la joie sur la terre, ma Pauline, la Sainte Vierge te dit comme à Bernadette : Je ne te rendrai pas heureuse en ce monde, mais en l’autre. »
Dans ma 20ème année, j’écrivis à la Visitation du Mans, afin de savoir à quel âge je pourrais y être reçue. On me répondit : « Entre 22 et 23 ans ». J’attendais bien paisiblement, quand le 16 février 1882, voici ce qui se passa : J’assistais à la messe de 6 heures à St Jacques, dans la chapelle de N.D. du Mont Carmel, avec Papa et Marie. Tout à coup, il se fit une lumière très vive dans mon âme, le Bon Dieu me montra clairement que ce n’était pas à la Visitation qu’il me voulait, mais au Carmel. Je dois dire aussi que le souvenir d’une amie, Clémentine Saal, morte en prédestinée l’année précédente, me revint à la mémoire ; elle devait prier pour moi certainement. On m’avait assuré qu’elle pensait à entrer au Carmel et aurait pris le nom d’Agnès de Jésus. Je me rappelle que je me sentis rougir d’émotion, et en allant et revenant pour la communion, j’avais peur que cette émotion ne paraisse. Je n’avais jamais pensé au Carmel, et voilà en un instant je m’y trouvais poussée par un attrait irrésistible !
Aussitôt rentrée aux Buissonnets je confiai mon secret à Marie. Elle me fit remarquer seulement l’austérité du Carmel, disant que je n’avais pas une santé assez forte pour l’embrasser. Papa à qui j’allais faire le jour même ma demande, tandis qu’il se trouvait au Belvédère, me dit à peu près ce que m’avait dit Marie. Mais je vis qu’il était au fond très glorieux de me voir cette vocation.
Dans l’après-midi, je le rencontrai en montant l’escalier, il avait l’air un peu triste : « Ne crois pas ma Pauline, me dit-il, que si je suis heureux de te donner au Bon Dieu, je ne souffrirai pas de me séparer de toi » et il m’embrassa avec une tendresse émue. »
Le 8 mai 1884 je prononce mes vœux perpétuels entre les mains de la Fondatrice du Carmel de Lisieux et je devins Sœur Agnès de Jésus.
« Je fus élue Prieure pour la première fois le 20 février 1893. Notre petite Thérèse me dit que pendant ces trois années j’avais imité David jouant de la harpe devant Saul.
À l’hiver 1894, Sœur Marie du Sacré-Cœur m’incita à demander à Thérèse d’écrire ses mémoires. Ses écrits devinrent ‘‘Histoire d’une âme’’.
En 1923, Pie XI me confirme Prieure à vie.
En janvier 1949 je suis atteinte d’une congestion pulmonaire, je décède à 90 ans le 28 juillet 1951.