Même si l’Evangile dit « Et il les guérissait tous » (Lc 4, 40) ce ne sont que ceux présents à ce moment-là, à cet endroit-là et juste cette fois-là qui ont été guéris. Du temps de la présence« physique » du Seigneur sur terre, tous ne furent pas guéris ! Et tous ne le lui ont pas demandé!
Alors pourquoi? Question bien légitime. Question à ne pas séparer de celles-ci : pourquoi moi et pas untel ? Ou bien :pourquoi untel et pas moi ? etc.
Dans le livre du prophète Isaïe, le Seigneur nous dit : « Mes pensées ne sont pas vos pensées,et vos chemins ne sont pas mes chemins … Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées ». (Is 55, 8-9).
N’ayant évidemment pas moi-même la réponse à ces questions bien légitimes, je vais me risquer à proposer quelques éléments de réflexion — sans être exhaustif, bien sur ! Et vous pourrez compléter vous-mêmes par votre expérience et vos réflexions spirituelles …
Pourquoi le Seigneur guérit-il un malade et pas un autre ? C’est le mystère d’amour de Dieu. Paradoxe à priori incompréhensible pour notre raison humaine.
Cela ne m’appartient pas de décider de la guérison de quelqu’un. Ou bien, en quelque sorte, de « donner l’ordre » à Dieu de guérir telle personne ! Je risque en effet,par cette attitude de fausse audace et probablement d’absence de réelle humilité, de créer une souffrance supplémentaire chez la personne et son entourage si celle-ci n’est pas guérie. Et puis il y a le risque de « tenter » Dieu: dans le récit des tentations de Jésus au désert,Jésus répond à Satan : « II est aussi écrit : Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu » (Mt 4, 7 ; Dt 6, 16)
Avec les questions, chez la personne malade ou ses proches : Dieu nous abandonne-t-il ? Dieu ne me guérit-il pas par manque de foi de ma part ? Ai-je assez œuvré pour obtenir — moi ou mon proche – d’être guéri? Qu’ai-je fait, ou pas, ou pas assez ? Pourquoi Dieu n’intervient-il pas ?
Quoiqu’il en soit, ma responsabilité de chrétien est, notamment, de :
- Prier avec foi et insistance pour demander la guérison (Cf la « veuve importune » (Lc 18, 1-8) ;
- Et de m’abandonner à la volonté de Dieu : « Voici l’assurance que nous avons auprès de Dieu : si nous faisons une demande selon sa volonté, il nous écoute » (1 Jn 5, 14).
Dieu reste-t-II en silence ? Est-il sourd pour autant ? Ou voulons-nous imposer à Dieu de répondre à nos désirs, de faire notre volonté ? Avec humour, je dirai :« Se plaindre du silence de Dieu alors que votre Bible est fermée ; c’est comme se plaindre de ne pas recevoir de texto quand votre téléphone est éteint » !
Le Seigneur nous dit : « Demandez et vous recevrez » (Mt7, 7), mais II n’a pas dit quand nous allions recevoir. II n’a jamais dit :Demandez et vous recevrez tout de suite. II n’a pas dit non plus que nous allions recevoir exactement ce que nous demandons. L’Apôtre St Jacques nous rappelle : « Vous demandez, et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal,dans le but de satisfaire vos passions » (Jc4, 3).
A quelqu’un qui n’a pas rencontré Jésus ou qui refuse la personne du Christ, lui, le Christ Miséricordieux peut, par la prière de frères et sœurs en Christ,le guérir ou ne pas le guérir.Et si ce temps laissé à cette personne était afin qu’elle se tourne enfin vers Lui, le Sauveur, le Libérateur ? Car le corps, le Seigneur le guérit parfois pour la vie terrestre, mais l’âme, il la guérit pour la vie éternelle. Le plus important est bien la guérison de l’âme ; l’âme, la grande oubliée !
Au croyant,parfois Jésus veut affermir et faire grandir sa persévérance, sa confiance et il l’appele à la patience. Lui- même n’est-il pas patient envers nous ? Nous mettons du temps à nous convertir réellement ; n’est-ce pas ? Au moment où nous demandons une grâce, peut-être ne sommes-nous pas vraiment prêts à l’accueillir dans tout son éclat et ses conséquences ? (En supposant que cela soit possible…).
D’autre part,de recevoir une grâce de « guérison », ça n’est jamais pour soi seul ! En sommes-nous conscients ? Sommes-nous prêts à témoigner de cette grâce reçue ? Sommes-nous prêts à annoncer I’Evangile ? Car nous sommes guéris pour servir (Lc 4,38-39 : Guérison de la belle-mère de Pierre — enseignement de Nov 2017 sur le Blog des Soirées Raphaël) ! Sommes-nous prêts aussi à participer à la Croix du Christ par les souffrances du combat spirituel qui pourrait survenir, afin de faire grandir le nombre des croyants (Col 1, 24) ? En effet, le Démon ne nous laissera peut-être pas tranquilles ! Mais nous avons l’immense assurance de la foi (He 11, 1), de la présence en nous du Dieu vivant et fort par notre baptême et notre confirmation : il ne faudrait pas l’oublier … et laisser enfin l’Esprit-Saint vivre en nous.
Autre point : Dieu respecte aussi la liberté des hommes. C’est notre manque de constance souvent qui nous empêche d’obtenir la grâce du Seigneur. D’autre part, on ne peut enlever la Croix du Christ du cœur de ce monde. Je vous renvoie là à l’enseignement de février 2017 sur le Blog des Soirées Raphaël.
Deux autres choses à ne pas oublier : 1 – Ne réclamons jamais comme un droit ce que nous ne pouvons demander que comme une grâce ! 2 – Le Seigneur agit gratuitement. II ne nous guérit pas parce que nous sommes saints, mais parce que Lui est saint ! Le Seigneur dit : « Venez à moi vous tous qui souffrez et je vous soulagerai » (Mt 11, 28-30). Quand il s’agit de souffrances morales ou spirituelles nous pouvons être certains de l’accomplissement de cette promesse dans nos vies. Et quand il s’agit de souffrances physiques, le Seigneur nous guérit ou bien nous donne quelque chose de meilleur.
Enfin, ce qui se passe après la Résurrection et à I’Ascension nous donne encore des éléments de compréhension :
A la Résurrection :en Jn 20, 17, Jésus dit à Marie de Magdala : « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père » Ressuscité, Jésus n’est plus « de ce monde ».Ce qui ne I’empêche pas d’être touché et attentif à ce qui s’y passe. En effet, un peu avant,Jésus disait à Marie de Magdala : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches- tu ? » Tout en n’étant plus « de ce monde », Jésus n’est pas absent de nos souffrances. N’est-ce pas aussi à nous que Jésus s’adresse ainsi : « Pourquoi pleures-tu ? » …
A l’Ascension : Le Christ glorifié n’appartient pas à ce monde corruptible. II faut donc qu’iI Ie quitte pour un autre lieu : le Ciel! L’humanité glorieuse de Jésus n’appartient plus à notre univers qui est un univers corruptible, pécheur, où vit et agissent le Malin et son armée d’anges déchus.
« II essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus et il n’y aura plus ni deuil,ni cri, ni douleur, car ce qui existait avant a disparu » (Ap 21, 4). Déjà prophétisé par Isaïe (Is 65, 17-25), le livre de I’Apocalypse nous révèle aussi l’existence de cette « terre nouvelle» et de ces « cieux nouveaux» (Ap 21, 1-8). Si je puis dire : nous ne sommes pas du même «monde» ! Et cela n’est pas un artifice mondain mais une réalité qui nous ouvre à l’Espérance eschatologique! Le Christ I’a dit à Pilate: « Mon Royaume n’est pas de ce monde » (Jn 18, 36). Nous comprenons alors un peu mieux que le Mal est toujours en « ce » monde et pourquoi Jésus nous donne, aujourd’hui, les « signes » (Jn 21, 25) de cet «autre monde » afin de nous fortifier dans I’Espérance …
Qu’avons-nous à faire ce soir et toujours ?
1 – Prions et demandons sans nous décourager, sans nous lasser. Le découragement et la lassitude ne sont pas de Dieu ! Oui, prions ! car ce que le Malin veut nous enlever c’est le désir, le goût et le temps pour la prière.Ne le laissons pas gagner I La prière est notre carburant. Par la prière,nous recevons la force de Dieu.
2 -Revenir à la charge avec persévérance. Dans la page d’Évangile de ce soir, la cause de cette veuve semble bien perdue d’avance. Notre persévérance naîtra de la reconnaissance de notre dépendance envers Dieu notre Père, nous avons besoin de sa grâce.
P. Alain-Marie RATTI. http://soirees-raphael-meIun.over-blog.com
{Novembre 2018)